Cet arrêt a une double portée d’une part sur la qualification des parts sociales d’une SCP et au delà des parts et actions des sociétés détenant un immeuble quelque soit la nationalité de la structure, et d’autre part en ce qui concerne un élargissement du champ des personnes éligibles à la convention succession dans la suite de l’arrêt du Conseil d’Etat aff. BISO du 11 juin 2003 n°221075.
I- La qualification des droits dans une structure détenant un immeuble :
La situation visait les parts d’une société civile monégasque, laquelle était propriétaire d’immeubles en France.
L’associé était un résident monégasque de nationalité Marocaine mais décédé en France.
Les parts sociales revenaient à ses héritiers résidents fiscaux français.
L’administration fiscale française considérait que les parts sociales de la société Monégasque à prépondérance immobilière devaient être assujetties aux droits de succession français.
La Cour de Cassation, souvent plus exégétique que le Conseil d’Etat a, au contraire, décidé qu’elles ne sont pas taxables aux droits de succession en France.
Elle a suivi en cela deux arrêts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (1re chambre A) en date du 3 mai 2011 et de la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée, qui, saisie de la même affaire, a statué dans le même sens par arrêt du 9 janvier 2014 (1re chambre B).
Les faits étaient les suivants : un résident monégasque de nationalité marocaine dont le patrimoine est pour partie composé de parts d’une société civile de droit monégasque détenant des immeubles en France décède en France et laisse pour lui succéder plusieurs héritiers domiciliés en France.
• La question de droit était claire : les parts sociales sont-elles ou non taxables aux droits de succession en France ?
• La solution de droit le fut tout autant : la Cour de cassation répond négativement dans un arrêt du 2 octobre 2015 rendu en assemblée plénière.
La base légale au soutient de la décision relève de la convention franco-monégasque du 1er avril 1950, à laquelle il convient de se référer en vertu de la hiérarchie des normes, les parts de la société de droit monégasque, qui sont de nature mobilière, relèvent de l’article 6 de la convention, qui vise spécifiquement les actions et parts sociales, et non de l’article 2, qui concerne les immeubles et droits immobiliers.
La société Cogest est une société civile particulière de droit monégasque répondant aux articles 1679 et suivants du code civil monégasque. Les statuts de la société Cogest définissent son objet social en son article premier. Cet article 1er dispose : « il est formé entre les soussignés une société particulière ayant pour objet l’étude de tous problèmes économiques, financiers, mobiliers et immobiliers, la réalisation de tous projets par voie de négociations, participations, concessions, l’achat, la vente de tous titres, valeurs, obligations, la gestion du portefeuille ainsi constitué, le dépôt en compte courant et le placement à titre de prêt, avec ou sans garantie hypothécaire de toutes sommes, l’acquisition de tous biens meubles et immeubles sans aucune restriction, location non meublée de locaux d’habitation, de bureaux et d’immeubles à usage industriel et commercial non équipés des moyens d’exploitation, gestion du patrimoine immobilier, et généralement toutes opérations se rapportant directement ou indirectement à l’objet social ».
Vue au travers du prisme des règles des articles 750 ter et 990D du code général des impôts français la société Cogest est une société à prépondérance immobilière.
Mais au regard de la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950, cette société relève de l’article 6 de la convention et non de son article 2.
Cet article 6 vise spécifiquement les parts sociales. Il n’est pas nécessaire de se référer à l’article 2 paragraphe 2 pour les qualifier, alors que cet article six est spécial et spécifique pour les parts sociales et que les gouvernements des deux États ont effectué une interprétation officielle de cet article par un échange de lettres. Il n’appartient pas à la cour d’appel d’en donner une interprétation différente de celle que les deux gouvernements ont convenu d’y donner.
En raison de la prééminence de la Convention franco-monégasque sur les textes du code général des impôts français, c’est l’article 6 de la Convention franco-monégasque qui s’applique. Il en serait de même, à notre avis, si la SCI détenue par le résident Monégasque avait été de droit français ou de toute autre nationalité.
Par suite, la fiscalité applicable est celle de la principauté de Monaco, laquelle pour mémoire est nulle en ligne directe.
Pour rappel, un national français peut parfaitement bénéficier de la convention Franco-Monégasque de 1950 s’il est résident à Monaco (durée minimale de 5 ans) même s’il paye son impôt sur le revenu en France du fait de l’autre convention, celle de 1963…
II- L’élargissement du champ d’application de la convention succession France-Monaco
a. L’application traditionnelle :
Traditionnellement, la convention franco-monégasque du 1er avril 1950 sur les droits de succession n’est applicable qu’à la succession des « ressortissants » de France ou de Monaco exclusivement. Seule cette condition de nationalité permettait un débat sur la qualification des parts sociales qui vient d’être tranché par la Cour.
Elle était donc inapplicable aux successions d’étrangers domiciliés dans la principauté de Monaco. De même, l’existence d’une éventuelle convention conclue par la France avec l’Etat dont le défunt domicilié à Monaco possédait la nationalité ne pouvait être invoquée au titre d’une égalité de traitement ou d’une clause de non-discrimination pour redonner à la convention de 1950 un champ d’application spécifiquement élargi.
Dans ce sens, la jurisprudence du 26 septembre 2002 du TGI de Nice est particulièrement éclairante (TGI Nice 26 septembre 2002, n°01-4930, De Portu, RJF 6/03 n°781): des héritiers domiciliés en France se sont vu refuser la mise en œuvre de la convention avec Monaco à l’occasion du décès d’un père résident monégasque mais de nationalité italienne.
Au plan pratique cette situation impliquait une lecture « classique » de l’article 6 de la convention qui ne concernait que les seuls français ou monégasques :
– le défunt n’a qu’un seul domicile : c’est le pays du domicile qui taxe (France ou Monaco) ;
– le défunt a un domicile dans les deux Etats (France et Monaco) :
o le pays dont il a la nationalité taxe (France ou Monaco)
o s’il a la double nationalité : chaque cas d’espèce sera traité par les 2 pays.
b. La nouvelle situation posée par la Cour de Cassation :
L’autre apport de l’arrêt de la Cour de Cassation, qui ne semble pas avoir alerté les commentateurs, concerne l’application de la convention du 1er avril 1950 à un défunt qui ne possédait ni la nationalité monégasque ni la nationalité française.
En effet, ce dernier était de nationalité marocaine bien qu’ayant sa résidence établie dans la principauté de Monaco.
Ce faisant, la Cour étend à la convention succession du 1er avril 1950 la position qu’avait retenue le Conseil d’Etat pour la convention franco-monégasque en matière d’impôts directs (article 164 C du CGI) en application du principe de non-discrimination.
Il convient donc de faire une application nouvelle de la convention aux personnes étrangères dés lors qu’elles sont ressortissantes de la CEE ou qu’elles sont sont ressortissantes d’un pays tiers à la CEE mais lié à la France par une convention contenant une clause de non-discrimination en fonction de la résidence ou de la nationalité.
De même, il convient de rappeler que la définition conventionnelle du domicile retenue en matière d’impôt sur les successions est différente et moins stricte que celle applicable en matière d’impôts directs.
L’article 1 alinéa c de la convention de 1950 précise que le « domicile » désigne le lieu où le défunt avait son principal établissement (vis à vis de la France).
Cette notion est à rapprocher de l’article 102 du code civil : le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement. Le lieu d’exercice des droits civils d’une personne sans domicile stable est celui où elle a fait élection de domicile dans les conditions prévues à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles.
En pratique, il conviendra de produire un certificat de domicile qui est délivré par le Ministre d’Etat après avis du consul général de France.
Pour les nationaux français et par extension pour les ressortissants de la CEE ou d’un pays tiers dont la convention intègre une clause de non-discrimination applicable, ce certificat devra indiquer une résidence habituelle depuis 5 ans au moins avant le décès.
Dés lors la convention succession est aussi applicable à ces étrangers (comme c’est le cas pour ce marocain) qui seraient en mesure de produire un certificat de domicile monégasque alors même qu’ils pourraient avoir leur domicile fiscal en matière d’impôts directs dans un pays tiers dans les mêmes conditions que pourrait le faire un ressortissant français.
La lecture nouvelle de l’article 6 de la convention particulièrement amendé impliquerait de considérer plusieurs situations :
– si le défunt était domicilié dans l’un des deux Etat seulement, seul ce pays pourrait taxer sa succession ;
– si les défunt était ressortissant des deux pays, une décision particulière serait trouvée pour ce cas d’espèce;
– si le défunt n’avait son domicile ni en France, ni à Monaco au moment de son décès (il était résident fiscal en matière d’impôts directs dans un pays tiers) mais disposait de son certificat de résidence monégasque établissant sa qualité de « domicilié » monégasque au sens conventionnel, le droit de taxation n’appartiendrait ni à Monaco, ni à la France mais au pays dont il est ressortissant. Il conviendrait dans une telle situation d’analyser les modalités de taxation des successions dans le pays dont il a la nationalité et dans le pays tiers dont le défunt pourrait être éventuellement résident fiscal au titre de ses revenus.