Actualités juridiques et fiscales

Actualités fiscales françaises

Le Gouvernement français a présenté une feuille de route comportant 35 mesures dont l’adoption ou la mise en œuvre doivent permettre l’amélioration de la lutte contre les fraudes fiscales, douanières et sociales. Outre un renforcement de la pénalisation du droit fiscal, certaines mesures intéressent directement la fiscalité internationale :

  • résidence fiscale :
    • mesure 22 : Accéder au fichier PNR sur les données de voyage pour mieux repérer la fraude à la résidence sociale et fiscale ;
  • article 3 loi de modernisation de la justice : Autorisation de l’activation à distance des caméras et micros des ordinateurs et appareils connectés ;
  • contrôle des prix de transfert :
    • mesure 24 : Responsabiliser les entreprises dans la documentation de leur politique de prix de transfert ;
  • mesure 25 : Étendre la durée de prescription en cas de cession des actifs incorporels les plus difficilement valorisables ;
  • nouveaux outils de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales :
    • mesure 26 : Utiliser le renseignement pour détecter la fraude fiscale grave, notamment internationale, et identifier les intermédiaires qui l’organisent ;
  • mesure 27 : Adopter une stratégie nationale en matière d’échanges internationaux pour promouvoir la lutte contre l’opacité de détention patrimoniale au plan international.

L’essentiel de ce nouveau programme consiste à mettre en place une police fiscale de 1500 limiers dotés de tous les pouvoirs et moyens techniques pour augmenter de 25% les contrôles fiscaux des ménages les plus riches pour traquer les résidents fiscaux étrangers, présumés fraudeurs.

 

Le fichier PNR :

Comment fonctionne le fichage des passagers aériens ? Le « Passenger Name Record » (PNR), un fichier européen des données personnelles des voyageurs aériens, va bientôt être enclenché par l’Union européenne. Les ministres de l’Intérieur et de la Justice des pays membres ont souhaité une mise en place rapide de ce système.

Le « Passenger Name Record » doit permettre une traçabilité des passagers dans le cadre de la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. La directive sur le PNR date en fait de 2011 et prévoit la création d’un fichier européen des données personnelles des voyageurs aériens – pour les vols de ou vers l’Union européenne – qui pourrait être croisé, avant leur entrée sur le territoire européen, avec des bases de données de personnes dangereuses. Seul un nombre limité de personnes habilitées devraient avoir accès aux fichiers avec les noms des passagers.

Le projet de PNR était bloqué depuis quatre ans par le Parlement européen. Ce dernier réclamait des garanties sur la protection et le traitement des données ainsi collectées et échangées, qui seraient conservées pendant cinq ans, de manière masquée. La commission « Libertés civiles » du Parlement a fini par valider la directive de 2011.

Ces données qui devaient seulement être utilisées pour empêcher, détecter, enquêter et poursuivre en justice des actes de terrorisme et des crimes transnationaux, selon le projet amendé par les eurodéputés qui inclut des garanties pour assurer « la légalité de tout stockage, analyse, transfert et exploitation de ces données, » seraient donc utilisées à des fins fiscales par la France.

L’activation des micros à distance :

Tandis que la France se concentre sur la traque fiscale, une autre mesure inquiétante est passée presque inaperçue. Le 7 juin 2023, le Sénat a adopté une loi autorisant l’activation à distance des caméras et micros des ordinateurs et appareils connectés tels que les téléphones ou les caméras de vidéosurveillance.

La loi permet une surveillance à l’insu des personnes ciblées. Selon le gouvernement, le but de cette loi d’espionnage est de permettre le contrôle de la géolocalisation en temps réel des citoyens.

Les autorités justifient cette loi en avançant la nécessité de lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée. Cependant, trois catégories de personnes seront protégées, dont les parlementaires, les magistrats et les avocats, mais les journalistes ne bénéficient d’aucune protection particulière.

Cette loi ne représente-t-elle pas une atteinte à la vie privée sans précédent ?

La mise en place de ces nouvelles lois en France soulève de nombreuses questions concernant l’équilibre entre sécurité et libertés fondamentales.

Il y a des inquiétudes légitimes sur le fait que cette loi d’espionnage des citoyens pourrait être considérée comme disproportionnée entre les objectifs poursuivis et les graves atteintes aux libertés fondamentales qu’elle provoque. Il est également préoccupant de constater que les autorités ont justifié cette loi en expliquant que ces techniques sont déjà appliquées.

Si la lutte contre la fraude et la criminalité est une nécessité légitime, doit-on pour autant sacrifier nos libertés individuelles de manière aussi radicale ?

Ces questions soulignent l’importance d’un débat démocratique sur le type de société que nous souhaitons laisser à nos enfants. Nous devons veiller à ce que les objectifs de sécurité ne légitiment pas des atteintes inacceptables à nos droits et libertés.

Cette loi est non seulement préoccupante tant elle parait bafouer les principes les plus fondamentaux d’une société respectueuse des droits de ces citoyens, mais elle parait également suspecte au plan constitutionnel et européen.

En effet, il y a fort à parier qu’en cas de recours, le Conseil Constitutionnel, ou la CJUE, considéreront le caractère manifestement disproportionné de cette loi entre les objectifs poursuivis et les graves atteintes aux libertés fondamentales que cette surveillance généralisée va provoquer.

La vigilance est de mise, à suivre…

 

Me Philippe LAURENS
Avocat aux barreaux de Luxembourg et de Montpellier
Nexus Luxembourg

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