La solution de droit :
Pour l’application de la Convention franco-belge, le siège de direction, qui détermine l’Etat où seront imposés les bénéfices, s’entend du lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prennent les décisions stratégiques qui déterminent la conduite des affaires de cette entreprise dans son ensemble.
A cet égard, si le lieu où se tiennent les conseils d’administration d’une société peut constituer un indice pour l’identification d’un siège de direction, ce seul élément ne saurait, confronté aux autres éléments du dossier, suffire à le déterminer.
En l’espèce, l’administration fiscale a réintégré, dans les résultats taxables de la société requérante belge au titre de l’exercice 2003, les bénéfices correspondant à l’activité de holding exercée par celle-ci, en estimant que cette activité était exercée depuis la France.
La Haute juridiction, qui a donné raison à l’administration, a précisé qu’en 2003, le siège social de la société était localisé en Belgique et que trois réunions de son conseil d’administration se sont tenues dans ce pays.
Toutefois, les services nécessaires à l’activité de holding, propres ou mis à disposition de la société par l’effet d’une convention d’assistance administrative, étaient tous situés en France et le conseil d’administration avait décidé, au cours de l’exercice en litige, de vendre l’immeuble abritant la société à Bruxelles sans prévoir de relogement en Belgique, enfin, que les décisions stratégiques intervenues au cours de l’année 2003 avaient, en réalité, été préparées et décidées dans leur principe à l’occasion de réunions antérieures du conseil d’administration, tenues à Paris.
Par conséquent, le lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prenaient réellement les décisions stratégiques avait été, pour l’activité de holding, transféré en France.
Nos commentaires :
Cette décision est l’occasion de rappeler, avec un regard de praticien, les différentes approches que l’administration fiscale française retient lors des contrôles impliquant une structure étrangère, le plus souvent, en pratique, une holding.
Hors le cas, assez rare, d’un abus conventionnel (CRAD : Affaires 2013-04 à 09 / 2014-13 ; CAA Versailles 17-12-2015 n° 13 VE 01281 ; Bank of Scotland CE 29-12-2006), ou d’un statut d’exonération totale d’impôt mettant le contribuable en dehors du champs d’application conventionnel (CE 9-11-2015 n°370054 et n°371132), il incombe au juge de l’impôt, saisi d’une contestation relative à l’imposition en France des bénéfices d’une société étrangère, établie dans un Etat ayant conclu avec la France une convention fiscale bilatérale, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie ; dans la négative, il lui appartient ensuite, le cas échéant, de déterminer si la société étrangère peut être assujettie à l’impôt français sur les sociétés sur le fondement des dispositions combinées du I de l’article 209 du code général des impôts et des stipulations de la convention fiscale bilatérale.
L’administration pour ramener l’assiette taxable en France conteste l’organisation retenue par le contribuable par deux voies possibles :
1- La fictivité de la société étrangère :
Il s’agit pour elle de démontrer que la société étrangère n’est qu’une coquille artificielle, sans réalité, ne détenant pas les moyens d’exercer ses activités dans son pays. Cette approche recoupe notamment les notions de substance et celles plus récentes mises en avant tant par l’OCDE que par la Commission Européenne avec le nouveau concept de BEPS.
A ce jour, rappelons qu’une société holding doit classiquement détenir l’ensemble des moyens permettant son activité : les moyens humains, les moyens techniques, les moyens financiers.
En clair, les structures « light » telles que nous les connaissions avant 2009 (G20 du 2 avril) organisées à partir de fiduciaires industrielles,
– sans locaux propres (au surplus, lors du conseil d’administration du 19 septembre 2003 il a été décidé de vendre l’immeuble abritant la COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS LITS ET DU TOURISME à Bruxelles et qu’il n’a pas été prévu d’y reloger la société ni une autre société du groupe),
– sans immobilisations (photocopieurs, outil informatique, etc),
– sans activité,
– sans dépôt des comptes sociaux,
sont vouées à faire courir plus de risques à leurs ayant-droits qu’à leur fournir sécurité et efficacité.
Au delà, elle doit avoir une activité réelle et habituelle. Cette dernière sera confirmée par :
– l’existence d’un ou plusieurs salariés,
– par la réalisation d’un chiffre d’affaires correspondant par exemple à des prestations intra-groupe réalisées depuis l’étranger et non l’inverse (une convention d’assistance administrative de communication externe, de gestion de la trésorerie et des financements, d’audit interne, des ressources humaines et des affaires juridiques, a été conclue le 20 octobre 1993 avec la société mère ACCOR et renouvelée en 2003 puisqu’à la suite de la prise de contrôle par cette société, la société COMPAGNIE INTERNATIONALE DES WAGONS LITS ET DU TOURISME lui transférait le personnel affecté à ces activités et ne disposait plus de « services fonctionnels propres »),
– par le respect scrupuleux du formalisme légal en terme d’organes sociaux et le dépôt-publication des comptes sociaux,
– par la tenue d’une comptabilité à l’étranger (la tenue de la comptabilité mondiale et la centralisation de la comptabilité des succursales afférentes à l’activité ferroviaire et la tenue de la comptabilité concernant l’activité de holding s’effectuaient depuis l’établissement de Paris),
– par le paiement d’une fiscalité locale (la société requérante ne justifiant pas, comme elle est seule en mesure de le faire, avoir payé des impôts en Belgique),
– par la rémunération de ses dirigeants au titre de leurs fonctions à l’étranger (la société requérante n’établit pas, comme elle l’allègue, que deux personnes exerçant des fonctions de direction seraient rémunérées au siège à Bruxelles),
– par la preuve que les réunions se sont déroulées à l’étranger (L’administration fiscale soutenait, sans être contredite, que les réunions du conseil d’administration des 5 mars 1997 et 16 février 1998, qui ont préparé la cession des titres GRANADA pour 2 millions d’euros intervenue en 2003 et qui a permis, pour l’essentiel, la distribution de dividendes à la société ACCOR qui détenait alors 99,48 % des titres de la CIWLT, ont eu lieu en France).
Le lieu de prise des décisions et l’existence de ces réunions stratégiques doivent faire l’objet d’une attention particulière et doivent pouvoir être démontrés en cas de contestation (preuve des transports, restaurants, hôtel, RDV, etc). S’agissant d’une activité de holding, le siège de la direction effective de l’entreprise se trouve être le lieu de direction effective de l’entreprise, soit le lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées élaborent et prennent effectivement les décisions stratégiques qui déterminent la conduite des affaires de l’entreprise dans son ensemble. A cet égard, si le lieu où se tiennent les conseils d’administration d’une société peut constituer un indice pour l’identification d’un siège de direction, ce seul élément ne saurait, confronté aux autres éléments du dossier, suffire à le déterminer.
Ces aspects doivent être en rapport avec l’activité réelle de la structure étrangère et il est établi qu’une simple holding avec une participation isolée n’aura pas à démontrer la même substance qu’un grand groupe international.
Cette approche a pour conséquence d’alourdir les coûts d’une structure étrangère, tordant le cou aux pratiques de dumping de certaines fiduciaires peu scrupuleuses ou dépassées et aux banques d’affaires agressives qui commercialisaient des « packages » à faible coût et donc, par voie de conséquence, de réserver dorénavant ces structurations aux dossiers les plus importants.
2- La démonstration que cette dernière possède un établissement stable en France :
L’autre écueil consiste à caractériser un établissement stable de l’organisme étranger en France et à rapatrier ses résultats pour les assujettir à l’Impôt sur les sociétés en interne (règles de territorialité de l’IS).
En effet, cette décision nous montre l’application du principe de la force attractive de l’établissement stable qui permet à une succursale française d’aspirer les résultats de sa maison mère belge si le centre de décision est établi en France. L’activité de direction d’une société doit être regardée comme déployée depuis la France et constituer une entreprise au sens des dispositions du I de l’article 209 du CGI et un « siège de direction » constitutif d’un « établissement stable » de la société.
L’administration fiscale a réintégré, dans les résultats de la succursale taxable en France en 2003, les sommes correspondant à l’activité de holding exercée par la société belge des Wagons Lits en estimant que la société belge était dirigée effectivement par la succursale française et non par le siège social en Belgique sur la base de l’article 4 de la convention franco-belge qui stipule « constituent notamment des établissements stables : a. un siège de direction (…) ».
En l’espèce, durant l’exercice en litige, le siège social de la société en cause était localisé en Belgique et trois réunions de son conseil d’administration se sont tenues dans ce pays.
Toutefois, d’une part, les services nécessaires à l’activité de holding, propres ou mis à disposition de la société par l’effet d’une convention d’assistance administrative, étaient tous situés en France, d’autre part, le conseil d’administration avait décidé, au cours de l’exercice en litige, de vendre l’immeuble abritant la société à Bruxelles sans prévoir de relogement en Belgique, enfin, les décisions stratégiques intervenues au cours de l’exercice en litige avaient, en réalité, été préparées et décidées dans leur principe à l’occasion de réunions antérieures du conseil d’administration, tenues à Paris.
Par suite, le lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prenaient réellement les décisions stratégiques avait été, pour l’activité de holding, transféré en France.
En pratique l’administration va rechercher lors d’un contrôle ou lors d’une perquisition fiscale des éléments de rattachement de cette structure étrangère en France. Elle va analyser les archives, les disques durs des ordinateurs afin de démontrer que les moyens évoqués lorsque nous parlions de la nécessaire substance sont en réalité situés en France.
Les éléments suivants ne doivent pas se trouver ou être conservés en France :
– les documents juridiques (statuts, divers registres sociaux),
– les mails en .étranger qui doivent être séparés des mails en .fr
– les archives numériques de la structure étrangère,
– les relevés bancaires étrangers,
– les contrats principaux conclus par la structure étrangère,
– la manifestation de la présence éventuelle des salariés « étrangers ».
Bref, des règles de bonne conduite que ceux qui suivent nos conférences connaissent depuis 2009.