– Brexit est un acronyme comme le monde professionnel aime s’en repaître: la contraction de Britain (UK) et d’exit (sortie).
En clair, les UK sont tout à la fois une île et membre de la CEE. Pour le moment.
Historiquement, ils n’ont jamais été conquis militairement (Charlemagne, Napoléon, Hitler). Ils en tirent une certaine idée de leur indépendance qui peut friser l’arrogance.
NB1: en réalité, ils ont été conquis plusieurs fois mais n’aiment pas qu’on le leur rappelle: dans l’antiquité par l’empereur romain Claude puis au Moyen Âge, Hastings puis les normands notamment.
Ils se sont toujours méfiés de l’Europe continentale quelle qu’elle soit.
NB2: ils ont mis des années à accepter l’idée d’un simple tunnel sous la Manche (sécurité, maladies).
NB3: ils étaient prêts à s’associer avec le haut commandement Nazi après Yalta pour contrecarrer l’expansion de la Russie communiste.
NB4: ils tentaient juste avant 1914 d’aider secrètement la Russie blanche pour contrer l’axe franco russe alors que le vrai danger était la Prusse et pas la France…
Partagés entre leur attirance naturelle pour les USA (ancienne colonie) et la nécessité de ne pas laisser passer le train de la CEE, ils ont adhéré mais dés l’origine, ils y sont allés à reculons.
Il faut reconnaître que jusqu’à Angela Merkel, le binôme omnipotent de la CEE a toujours été le couple franco‐allemand et les UK subissaient plus qu’ils n’étaient associés réellement aux décisions. Alors on achetait leur silence par de larges financements CEE.
Ainsi, les UK tout en étant membre de la CEE ont refusé d’adhérer à l’Euro (pour conserver une indépendance à leur place financière, la City de Londres) et aux accords Schengen (circulation des personnes, notion de contrôles aux frontières).
NB5: ici encore il convient de remarquer la pertinence de leurs analyses: l’Euro a sonné le glas de la co‐gestion de la CEE par la France et l’Allemagne qui via son ancien mark est devenue le seul vrai leader de la CEE et ce d’autant que la réunification a bonifié leur économie.
Ils étaient dedans tout en ayant un statut spécifique.
Force est de reconnaitre que les UK ont traversé dans les années 70 et 80 une crise économique structurelle dont on ne mesure pas complètement l’ampleur. Leurs richesses étaient essentiellement basées sur la vielle économie typée 19ième: agriculture et industrie lourde et minière. Bref, rien de brillant et les conflits sociaux ont été violents avec de nombreux morts. C’était la Guerre Civile. Ils n’avaient plus les richesses « gratuites » de leurs ex‐colonies dont ils devaient en plus assumer la perte. Ils subissaient comme tout le monde le premier choc pétrolier de 1973.
Les anglais ont pris des décisions drastiques dont le réalisme fait froid dans le dos. Mais cela a sauvé le pays même si les années Tatcher (dame de fer) ont été amères à avaler pour les plus démunis.
Comme si un Anglais acceptait de voir mourir un de ses pauvres ?
Pour plaisanter on pourrait dire que d’une part, il n’avait qu’à avoir le bon gout d’être riche mais en plus, bien souvent, les plus miséreux étaient Gallois… Ou Ecossais. Moins grave…
C’est ainsi que les UK ont été un laboratoire du libéralisme contemporain.
NB6: ils ont été suivis ‐et même dépassés en cela par l’Irlande‐ qui amplifie les variations en permanence par les chutes en cas de crises et par les remontées spectaculaires quand cela va mieux.
Bref, leur réalisme, ou leur génie fut de profiter au maximum de la CEE (argent de la PAC pour restructurer leur monde agricole, projets de développement industriel (Airbus, avions militaires, etc..), tout en se lançant dans la voie de l’hyper libéralisme (liberté de licenciement, pas ou peu de couverture sociale, retraites miséreuses, pas de salaire minimum, retour aux seules fonctions régaliennes de l’Etat, privatisations, etc…).
C’était mon analyse de départ: de morts vivants, ils ont su prendre des décisions courageuses (se couper la main aujourd’hui plutôt que le bras demain) et profiter de la CEE de manière outrageuse.
A ce jour, le pays est restructuré, dynamique, florissant (il suffit de voir le développement de Londres) et l’arrogance revient vite au galop.
Sur la base du constat que depuis peu de temps (depuis 2010 environ) la CEE leur couterait plus cher qu’elle ne leur rapporterait et face au constat que les états de la CEE sont confrontés à la très grave crise des migrants (Calais pour eux), le gouvernement UK sombre dans la démagogie en proposant un référendum sur le maintien ou pas des UK dans la CEE.
C’est un peu comme si on demandait aux français s’ils souhaitent payer moins d’impôt ou avoir des ponctions lombaires toutes les semaines… Que choisiront‐ils?
Le suspense est intense…
La CEE a fait une erreur en estimant qu’il ne s’agissait pour les UK que d’une stratégie pour obtenir des compensations, des avantages spécifiques de sa part. Une manière de soutirer encore davantage.
Cela fait 2 ans que nos bons fonctionnaires de la Commission se ridiculisent d’un sommet de la dernière chance à l’autre.
Ils se sont félicités il y a quelques semaines encore d’avoir enfin obtenu un accord ridicule tant sur les principes que sur un plan financier avec le 1er ministre UK. Non seulement la CEE a montré sa faiblesse, a baissé son pantalon mais bien pire, elle a offert aux regards stupéfaits toute l’étendue de sa bêtise.
Et dans la vraie vie, pas celle de ces fonctionnaires, les sots, les faibles meurent.
A l’évidence, ces négociations seront en tout état de cause inutiles car le soutien du bout des lèvres du gouvernement UK sera balayé par le référendum qui doit intervenir avant l’été 2016.
Alors, me diras‐tu, pourquoi avoir passé ces longs mois, presque 2 ans à négocier avec la CEE? Les UK n’avaient qu’à organiser le référendum plus rapidement, non?
Que non pas:
1‐ Les clauses de sortie de la CEE imposaient au plan du droit de tenter ces négociations;
2‐ pendant ce temps, les UK négociaient les accords bilatéraux avec les états membres en dehors du prisme de la CEE.
Et c’est là tout le point fort de la perfidie de l’Albion qui bénéficie d’une foultitude d’accords bilatéraux avec de nombreux pays.
NB7: il semble qu’il y ait un relatif consensus entre juristes et historiens pour dire que l’Europe a été « inventée » par les traités de Westphalie en 1648 qui organisent des négociations bilatérales au lieu d’une organisation globale et parviennent ainsi à contourner les blocages.
Leur sortie de la CEE ne provoquera pas le drame tant annoncé, agité par la CEE comme un épouvantail ou la peur de la grande peste.
Ils ont négocié un statut de proximité (l’EEE) comme la Suisse ou la Norvège..
En clair, au plan des échanges économiques et douaniers ce sera comme avant, au plan fiscal (j’entends liberté d’établissement des sociétés, gestion des dividendes, PV, privilège d’affiliation, fiscalité des groupes) pareil, au plan financier la même chose.
Ne crois surtout pas que la City va péricliter au profit de la place de Luxembourg ou de Frankfurt…
C’est de la poudre aux yeux incantatoire que de l’imaginer seulement.
3‐ Ils se retirent d’une machine aussi lourde et stupide que chère (la CEE) pour en conserver tous les avantages mais sans avoir à participer à son financement.
Ils échangent un attelage éculé tiré par des boeufs fatigués contre un véhicule rapide, fonctionnel et léger.
Ils nous narguent même dés à présent (ce qui prouve qu’ils ont déjà anticipé les résultats du fameux référendum de juin) en annonçant des mesures fiscales alléchantes et provocatrices (IS à 15% à horizon de 2020 et en tout état de cause à ‐0,50% en dessous du taux de leur seul et réel concurrent, l’Irlande, quel que soit ce dernier) toutes à l’opposé de la politique fiscale prônée par la Commission ou retenues dans le dernier projet si décevant du gouvernement Luxembourgeois présenté en février 2016.
C’est un coup bien perfide mais c’est un coup de maître.
De maître Perfide..
Quand je te disais, l’Albion…
Par Philippe Laurens